Le concept

Requiem pour un flou

L’introduction de techniques nouvelles et la disparition concomitante des techniques « classiques » encouragent la création chez certains, et la contrarient chez d’autres, c’est selon. Témoin la gestion du flou — ou maîtrise de la profondeur de champ.

La netteté, figurez-vous, n’est pas nécessairement l’idéal du photographe.  Au studio , allez savoir pourquoi, on a même pris le parti du « pas net ». Enfin pas partout. Attiré par ce flou vaporeux qui enveloppe les portraits de l’époque 1890-1920, on s’y efforce de recréer l’effet dans les prises de vues maison. Car on sait que le flou contribue à magnifier le sujet, à mettre à l’écart le superflu pour faire ressortir l’essentiel grâce à une très faible profondeur de champ.

Le Trombinotron avec son objectif laiton et construction bois

C’est dans son studio de Fontaine-Simon  que Didier Leplat nous présente

le Trombinotron, création maison  d’environ 130 cm de longueur.

A l’époque héroïque de la fin du XIX e et du début du XX e siècle, les chambres photographiques étaient du genre « king size », en corrélation avec des objectifs de grande longueur focale. Ce qui permettait d’obtenir sans effort le flou en question. En fait, les photographes n’avaient pas vraiment le choix ! Sinon celui d’accroître encore l’intensité de l’effet, à volonté, avec des objectifs spéciaux dits « à portrait ».

Or, nos boîtiers numériques sont petits, et c’est plutôt mieux quand il s’agit de les manipuler ou de les transporter. Mais, pas de chance, plus l’appareil est petit et l’objectif qui lui est destiné a une longueur focale réduite, moins il peut faire de flou et —corrélativement — plus la profondeur de champ est grande. Il faudrait donc y renoncer sous prétexte de passer au numérique ? On pourrait le craindre. A moins que... 

Les objectifs

C'est par cette petite trappe que Didier Leplat fait la mise au point sur le dépoli aidé de son compte-fil

Tout entier à son affaire, l’opérateur réinvente les gestes d’antan avec l’aide de la technologie numérique.

A moins que l’on ne prenne le meilleur des deux techniques : la chambre grand format pour gérer le flou et réduire au maximum la profondeur de champ et le numérique pour l’immédiateté du résultat. Cette synthèse réputée impossible, le  studio Trombinotron l’a réalisée. Et les deux protagonistes — Didier Leplat et  Philippe François — n’en sont pas peu fiers.

Sur le plan de la compacité et de l’ergonomie, leur machine ne bat pas de record, c’est certain. C’est même un drôle de monstre. Mais le jeu en vaut la chandelle. Car  le  Trombinotron, nom de baptême officiel de cette « chambre numérique grand format », réinvente tout simplement l’esthétique de la photographie des premiers temps, celle-là même qui nimbe le sujet d’un flou quasi général et délicat, et d’où surgit ici ou là un point net –un œil, une lèvre, un cheveu –que la photographie, par sa magie, nous réapprend à voir. En clair, plus c’est flou et plus c’est net, les  Shadocks n’auraient pas dit mieux.

Offrez-vous un portrait d'hier

avec votre tête d'aujourd'hui !

Pour les courageux…

La profondeur de champ (distance entre le premier plan net et le dernier plan net) d'une scène photographiée dépend, entre autres, du rapport de taille entre l’objet réel (la tête du petit dernier, par exemple) et son image dans l’appareil : plus le « grandissement » est élevé, plus la profondeur de champ est faible. Avec la chambre photographique de Grand Papa, l’image du bambin qui se forme sur la plaque de verre est quasiment de la même taille que la tête du gamin lui-même. Le grandissement est donc très élevé. Résultat, le bout du nez sera flou et l’œil net. A contrario, avec les appareils numériques actuels, l’image de la tête du rejeton ne mesurera qu’un centimètre ou deux sur le capteur. Et tout ou presque sera net. D'où le Trombinotron : synthèse magique du passé et du présent, rencontre du flou et de l’immédiateté…

Des objectifs extraordinaires

Un objectif lourd, pas loin de 10kg, tout de métal noir verni

Hermagis à portrait N° 3 - 1:4,5 - 500 mm

L'ancètre des objectifs "Soft Focus" modernes !

Pour un rendu encore plus moelleux, net au centre et vaporeux sur les bords, parfait pour "dessiner le modèle" 

Voigtländer Universal Heliar - 1:4,5 - 48 cm 

Un des premiers objectifs à flou réglable dont la première version fut créer dès 1902 !